Ce programme peut apparaître comme une annexe de l'étude du prélèvement seigneurial. En fait, il en est largement autonome. Les images très différentes que les dépendances du Moyen Age tardif ont selon les historiens ou les écoles historiques ont été à l'origine du désir de reprendre le problème dans une perspective comparatiste et avec un cadre suffisamment serré pour que cette perspective soit possible. L'évolution divergente des formes de la servitude dans des régions proches, notamment la Catalogne et le Languedoc, a fait souhaiter que cette étude commence par le monde méditerranéen. 

Définition d'une problématique
Des premières discussions (Noirmoutier), il est ressorti quelques points autour desquels organiser nos travaux ultérieurs
- fécondité et nécessité d'une analyse sémantique précise, aussi bien du vocabulaire actuel dans les diverses langues  (variations autour de non-liberté, domesticité, dépendance et tous les mots formés sur le radical  serv-)  que des mots utilisés dans les actes de la pratique et les énoncés juridiques.
Notamment : quand et où est utilisé le terme de mansata, homo de masada (et autres formes voisines) ? Avec quelle acception? 
La variété des sous-catégories de statut, telle que la montrent les textes des juristes médiévaux est-elle traduction de réalités clairement et évidemment différentes ou subtilité et jeu intellectuel de juristes ?
La servitude entre nominalisme et réalisme.
- La difficulté de trancher entre  dépendance honorable  (noblesse) et dépendance personnelle est remarquée aussi bien dans l'espace ibérique que dans les régions germaniques et le Sud-Ouest français. Servitude et noblesse ont en commun le concept de service : quand et comment la coupure se fait-elle ?
Quel lien faire entre le développement d'une idéologie féodale et celui du poids renouvelé ou entretenu de la servitude ? 
Entre ce poids et l'importance de l'élaboration juridique des statuts personnels en général? 
- situer la servitude et ses dynamiques dans celle du régime seigneurial dans son ensemble, de la seigneurie et du prélèvement seigneurial. 
- que garder de l'image que sont à forte servitude les régions qui sont à l'écart de la modernité ? Certainement inadéquat pour la Catalogne où la servitude se développe aussi bien dans des zones « reculées » que dans des zones « modernes ». Ailleurs ?
- l'image du serf de la fin du Moyen Age pauvre hère tombé dans la servitude par dénuement n'est plus retenue aujourd'hui. Est bon à retenir dans les liens de la servitude celui qui a du bien. La documentation permet-elle de saisir les caractéristiques « matérielles » de la servitude du Moyen Age finissant ? Inventaires après décès ou autres ?
- quelle insertion des serfs dans la communauté villageoise? Les différences de statut semblent bien connues par les villageois. Comment fonctionnent-elles comme critère et facteur d'exclusion?
- influence du poids du servage dans l'image de la paysannerie en général : le paysan est un serf potentiel. D'autant plus que le servage est régionalement présent et fort ? 
L'exemple de l'évolution du système seigneurial en Gascogne pyrénéenne semble montrer l'efficacité de l'idée (répulsive) de servitude. La peur de la servitude aurait poussé la « base »paysanne à accepter la solidarité de la communauté par crainte de la servitude individuelle.  Ce mécanisme social est attesté aussi en Italie, où il est moins surprenant dans un contexte de connaissance plus répandue du droit romain ; plus surprenant pour cette France du Sud-Ouest quelque peu à l'écart des « nouveautés ».