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Axe 2

Le Marché de la Terre
Programme de 1998 à2000
Définition d'une problématique
Le contexte général
L'activité des marchés
Etudes

Edition en ligne :
Historiographie du Marché de la terre, Les Treilles 1999

 

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Le marché de la terre
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responsable
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Laurent Feller et Chris Wickham

Le marché de la terre réunit autour du LAMOP des chercheurs britanniques, espagnols, italiens et français. Il associe aux historiens des économistes et une sociologue. 


Sachsenspiegel, Heidelberger Bibliothek. COD PAL GERM 164 (Fø 2vø)


Définition d'une problématique
La problématique a été élaborée au cours de réunions préliminaires et notamment par la collaboration franco-anglaise d'un programme Alliance. Il en est sorti divers documents et un questionnaire-cadre qui fut soumis aux divers participants du colloque des Treilles, inséré ci-dessous. 
Les rapports historiographiques doivent par nécessité être envisagés d'un point de vue complexe. Chaque pays a engendré ses propres problématiques, issues fréquemment de façons différentes de percevoir l'histoire. Ainsi, par exemple, les Italiens, dont la formation est plus socio-juridique n'aborde pas les questions d'histoire économique ou sociale de la même manière que les Français davantage géographes. La difficulté vient de ce que les traditions sont croisées, du simple fait de la multiplication des échanges, des Français, des Anglais et des Allemands, travaillant sur l'Italie ou des Américains sur l'Espagne et sur la France... C'est pourquoi on a choisi de construire des rapports à deux voix, afin de faire place à la région comme objet d'étude et à la tradition historiographique propre à chaque pays. Le marché foncier peut n'avoir pas fait en lui-même l'objet d'études spécifiques. En revanche, beaucoup d'éléments contextuels nécessaires à son approche ont nécessairement été examinés. Ce sont eux que ce projet de questionnaire, dont le caractère indicatif, est non limitatif et ouvert, cherche à énumérer. 

Le contexte général. 
Critique des sources
Quelles sources sont-elles disponibles? Documents permettant une approche directe (achats et ventes) ou indirecte (court rolls ou autres)? Quelle chronologie est-elle envisageable? Quelles précautions critiques doivent elles être prises? 
Conjoncture et structure
La conjoncture économique. Quelle place tient-elle dans l'animation éventuelle d'un marché foncier? Dans quelle mesure celui-ci peut-il être considéré comme un indicateur de croissance ou de dépression? 
Quel est le rôle de « l'argument démographique »? La croissance entraîne-t-elle automatiquement une fragmentation de la propriété foncière et, au rebours, une crise signifie-t-elle automatiquement une reconcentration des exploitations? Les coutumes successorales et matrimoniales contraignent-elles à recourir au marché pour établir les enfants et maintenir le même niveau économique d'une génération à l'autre? 
Au fond quelles politiques patrimoniales sont-elles possibles en fonction de ces données (contexte économique général, contexte démographique, contexte juridico-social)? Et qui a recours au marché? On pourrait après tout envisager des situations où le recours au défrichement permettrait d'éviter le marché et l'ensemble des médiations qu'il suppose. 
Parmi ces médiations, l'une est : la monnaie. Paie-t-on en numéraire ou en nature? Et quelles incidences cela a-t-il sur le rythme des échanges, la mobilité foncière, la fluidité, et sur leur signification sociale - dans la mesure où l'échange monétarisé peut être considéré comme clos, alors que celui qui ne l'est pas demeure fréquemment ouvert et appelant de nouvelles contreparties?
Le marché de la terre et la vie agraire
Quelles productions rurales sont-elles concernées? Vend-on des terres à blé, des vignobles, des herbages? Cela a-t-il une incidence sur le prix? Celui-ci est il un reflet de la destination économique d'une terre et inversement, celle-ci est-elle perceptible par son prix?
Comment la propriété se répartit-elle à travers le spectre social? Est-elle inégale ou homogène? Tout le monde a-t-il accès à la propriété de la terre ou, au contraire, y a-t-il des monopoles ainsi que des formes dégradées de propriété? 
Comment la propriété est-elle structurée? Raisonne-t-on en termes de manses, par exemple, ou de parcelles? Si oui, quelle est l'unité de mesure? Peut-on la considérer comme fixe ou, au contraire, est-elle variable dans le temps comme dans l'espace? Les calculs éventuels et leur pertinence dépendent évidemment de la ou des réponses à ces dernières questions.

L'activité des marchés
La nature de l'achat
L'achat d'une maison peut parfois ouvrir le droit d'entrée dans une communauté et donner accès aux usages communs. On n'achète donc pas seulement une terre ou une maison. Alors, qu'achète-t-on au juste lorsque l'on se procure une terre contre argent? Cela conduit au point suivant:
Les limitations apportées au marché 
Se posent en effet la question du statut de la terre, celle du poids des droits de mutation, du rôle de la famille et de celui de la communauté. Quel est leur poids respectif dans l'évaluation du bien cédé ou acquis? Quel contrôle chacun des autres ayants-droit (seigneur, membres de la famille, membres de la communauté) exerce-t-il? Ce contrôle est-il simplement formel, apparaît-il comme une garantie octroyée à la stabilité de l'acte, ou au contraire, est-il un frein mis à la fluidité du marché et permet-il aux éventuels acheteurs préférentiels désignés par la coutume de faire valoir leurs droits en achetant? A quel prix? Plus élevé, moins élevé?
Les freins sociaux 
Quel type de marché est-il perceptible? Il peut s'agir d'un jeu à somme nulle, le nombre des acheteurs désignés par les sources étant égal au nombre des vendeurs (cas de la Toscane ou des Abruzzes au XIe). Ou au contraire assiste-t-on à des processus de concentration foncière? Celle-ci s'opère-t-elle aussi par le marché (et, inversement, la paupérisation, i.e. la perte du capital foncier, passe-t-elle également par lui)? Au profit de qui est-elle opérée? De koulaks? De landlords? Les institutions religieuses achètent-elles? Remettent-elles des terres en circulation par exemple par la concession de contrats agraires? Les bénéficiaires opèrent-ils de la même manière? Quelle place lQuelles résistances la société oppose-t-elle aux phénomènes de concentration? Induisent-ils une augmentation des litiges? Quel rôle la justice joue-t-elle alors? protège-t-elle les plus actifs économiquement? Ou favorise-t-elle le maintien du statu quo ante? Détenons-nous des informations sur les paysans enrichis? La littérature (Miracles, exempla) porte-t-elle un jugement sur eux? Les envieux ou les avaricieux sont-ils identifiés aux accapareurs de terres?
Les mécanismes économiques
Quel est le rôle de la concentration foncière dans les ascensions sociales? Achète-t-on de la terre parce que l'on est déjà riche et considéré? Ou le fait-on afin de le devenir? Quels types de terres sont-elles alors visées? Petites parcelles permettant de rééquilibrer les exploitations? Grandes parcelles permettant d'accroître ses potentialités? Ou au contraire, procède-t-on à de petits achats afin d'obliger les plus pauvres... Ou pour renforcer.
Peut-on discerner des stratégies familiales, ou simplement individuelles? L'accumulation de terre répond-elle à la nécessité de se prémunir contre des risques, par exemple de famine (auquel cas la terre doit aussi être considérée comme un réserve de valeur)? Est-elle une réponse aux nécessités nées du « cycle de vie »?
L'évaluation
L'emplacement des terres achetées a-t-il une importance? Certaines sont-elles manifestement plus désirées que d'autres? La proximité ou l'éloignement d'une route, d'une ville ou d'un marché sont-ils perceptibles? Quelles incidences les éventuels remembrements ont-ils sur la valeur des terres? Le profit escompté de la terre est-il mesurable? La taille des parcelles induit-elle un prix différent, les parcelles les plus petites pouvant être plus recherchées et, pour cette raison, plus chères, relativement, que les plus grandes? 

Etudes 
Ce programme a donné lieu, en 1999 à une rencontre tenue aux Treilles (fondation Schlumberger). Il se prolongera par une deuxième rencontre en juin 2001. Entre temps, il est l'objet du séminaire de François Menant  (2000-2001) à l'ENS. L'objectif de la rencontre des Treilles était de faire une sorte d'inventaire du problème, dix ans après la parution du volume consacré au sujet, par quelques médiévistes, mais surtout des modernistes, dans les Quaderni Storici :

  • montrer les approches différentes et leurs possibles convergences entre les économistes et les spécialistes de l'anthropologie, une discipline qui paraît très riche aux médiévistes, mais qui semble souffrir de problèmes très proches de ceux qui touchent l'histoire économique.
  •  de faire un état historiographique de la question pays par pays et de définir des pistes de recherches. La partie « Historiographie » a été publiée en ligne sur le site Internet du LAMOP. 
  • de proposer quelques protocoles d'études du marché de la terre bâtis sur des expériences régionales à partir de corpus précisément identifiés. 
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.le 15 mars 2001